Conduite à tenir devant une hématurie post-traumatique isolée

Introduction

L’hématurie reste le maître symptôme témoin des lésions de l’appareil urinaire lors d’un traumatisme ouvert ou fermé.

La notion d’hématurie post-traumatique isolée prend  une signification très particulière écartant le risque vital rattaché aux lésions traumatiques extraurinaires et interrogeant sur le degré de corrélation entre l’importance du saignement et le degré d’atteinte de l’appareil urinaire.

Traumatisme et hématurie

  1. TRAUMATISMES SANS HÉMATURIE

15 à 30 % de traumatismes du rein sans hématurie. Il en est de même des lésions du bassinet et de l’uretère.

L’absence d’hématurie n’est pas synonyme de lésions bénignes rôle dominant des accidents avec décélération générant des lésions graves par étirement ou arrachement pédiculaire.

  1. HÉMATURIES NON TRAUMATIQUES

Si l’hématurie macroscopique dans le contexte traumatique ne pose pas discussion quant à son lien avec le traumatisme, il n’en est pas de même de l’hématurie microscopique découverte lors d’une analyse systématique, alors qu’aucun examen n’avait été réalisé au préalable à l’accident. Or, cette éventualité est fréquente hors contexte traumatique, la proportion d’hématurie microscopique peut atteindre 13 %

Hématurie isolée/hématurie associée

Les décès spécifiques aux lésions urologiques représentent 0,05 % des décès

À l’opposé, la mortalité varie entre 7,5 % et 11 % par lésion associée avec une gravité lésionnelle décroissante   – tête – membres inférieurs – abdomen.

La violence du traumatisme se reflète dans le nombre des lésions extra-urologiques associées  et dans le type d’atteinte rénale.

  • Les taux de décès selon le degré de lésion rénale sont :

– contusion : 11 % ;

– lacération : 16 % ;

– atteinte pédiculaire : 41 %.

  • La fréquence des lésions associées selon le degré d’atteinte rénale est :

– contusion : 2,5 lésions/patient ;

– plaie : 2,7 lésions/patient ;

– fracture : 2,9 lésions/patient ;

– pédicule : 3,3 lésions/patient.

SIGNES CLINIQUES ET INDEX DE GRAVITÉ

La situation profonde et protégée du rein rend compte :

  • de la prédominance des lésions bénignes (75 à 85 %) ;
  • du risque de méconnaître ce type de lésion ;
  • du parallélisme entre le degré d’atteinte rénale et la fréquence et la sévérité des lésions associées intra-abdominales.

Le risque vital a souvent été évalué au travers de l’injury severity score (ISS)

La corrélation entre la gravité des lésions en cas de traumatisme fermé et l’ISS n’est pas toujours retrouvée.

L’hématurie microscopique reste une situation d’analyse difficile.

Mee a permis de dégager des situations à risque malgré la présence d’une hématurie microscopique en faisant émerger les notions d’hématurie isolée et associée les critères d’exploration chirurgicale sont ; l’hématome pulsatile  du rétropéritoine, le saignement incontrôlé. Iléus, fièvre, tension abdominale, fistule urinaire apparaissent comme signes de gravité au même titre que l’instabilité tensionnelle.

CAS PARTICULIERS

  • Association plaies rénale et intestinale

77 % des plaies rénales coexistent avec d’autres lésions viscérales (foie, côlon, grêle en majorité)

  • Chez l’enfant

Les lésions graves sont accompagnées d’une plus forte hématurie

  • Décélération brutale

La mobilité rénale permet l’étirement de l’artère rénale avec rupture de l’intima ou l’arrachement pédiculaire. L’absence de lésion de la voie excrétrice rend compte de l’hématurie. La rétraction vasculaire explique  la possibilité d’un saignement rétropéritonéal discret.

Lésions de l’appareil urinaire

  1. CLASSIFICATION DES LÉSIONS RÉNALES

En France, la classification proposée par Chatelain est la plus utilisée .

  • Stade Ia : respect de la capsule, fissuration, voie excrétrice ouverte.
  • Stade Ib : respect de la capsule, fissuration, voie excrétrice intacte.
  • Stade Ic : respect de la capsule, contusion sans fissuration, hématome sous-capsulaire.
  • Stade IIa : rupture capsulaire avec ouverture de la voie excrétrice.
  • Stade IIb : rupture capsulaire sans ouverture de la voie excrétrice.
  • Stade III : rupture de la silhouette rénale, séquestres.
  • Stade IV : rupture du pédicule rénal.

Classification de l’American Association for the Surgery of Trauma.

  •  Grade I : Contusion rénale, hématome sous-capsulaire non expansif, pas de lacération parenchymateuse
  • Grade II : Hématome périrénal, non expansif, lacération du cortex de moins de 1 cm de profondeur et pas d’extravasation urinaire
  • Grade III : Lacération du cortex de plus de 1 cm et pas d’extravasation urinaire
  • Grade IV :
    • Lacération du cortex rénal s’étendant dans le système collecteur (extravasation de produit de contraste)
    • Lésion segmentaire d’une artère ou d’une veine se traduisant par un infarcissemen
    • Lésion pédiculaire artérielle ou veineuse avec hématome conten
    • Thrombose artérielle pédiculaire sur dissection
  • Grade V :
    • Avulsion du pédicule réna
    • Rein multifracturé
  1. LÉSIONS DE LA VOIE EXCRÉTRICE HAUTE (URETÈRE, CALICE, BASSINET)

L’anurie ou l’évolution clinique défavorable du fait de la fuite d’urines ou de la dégradation fonctionnelle rénale font évoquer le diagnostic. L’opacification antégrade ou rétrograde établit la rupture de la voie excrétrice.

Si la continuité pyélo-urétérale est conservée, un drainage endoluminal simple est suffisant, sinon la réparation chirurgicale est nécessaire.

  1. LÉSIONS DU BAS APPAREIL URINAIRE

Elles sont secondaires au traumatisme direct (rupture intrapéritonéale de la vessie) ou à l’atteinte de la ceinture osseuse pelvienne (rupture sous-péritonéale vésicale ou de l’urètre postérieur

L’opacification radiologique directe permet le diagnostic. Comme pour le rein, les fractures osseuses, les plaies vasculaires endopelviennes expliquent la gravité du tableau clinique et l’instabilité hémodynamique.

EN PRATIQUE

  1. Hématurie microscopique

L’hématurie microscopique reste une situation d’analyse difficile

  • Hématurie microscopique associée

– choc hypovolémique ;

– lésions associées extrarénales :

– lésions intra-abdominales ;

– hématome pariétal ;

– fractures de côte

– fractures des apophyses transverses ;

– mécanisme de décélération brutale.

Elle impose l’exploration tomodensitométrique du rétropéritoine avec analyse des pédicules vasculaires et des voies excrétrices.

  • Hématurie microscopique isolée (sans choc, sans lésion associée)

Elle obéit à une règle de bénignité et ne nécessite qu’une simple surveillance.

  1. Hématurie macroscopique

La visibilité du saignement est souvent corrélée à la gravité des lésions. L’utilisation de la tomodensitométrie a permis le démembrement des lésions et la confirmation de la bénignité de la majorité d’entre elles

Le scanner est la technique de référence avec une sensibilité entre 92,4 % et 100 % et une spécificité variant entre 94,4 % et 96,8 % principe d’une abstention de geste chirurgical sur le rein traumatique avec deux exceptions :

– l’instabilité hémodynamique ;

– la désinsertion pyélo-urétérale.

Dans le premier cas, l’exploration chirurgicale en urgence est nécessaire. Les données radiologiques sont obtenues par injection sur la table d’opération du produit de contraste.

En cas de désinsertion pyélique, le rétablissement de la continuité pyélourétérale est indispensable. Les traitements conservateurs représentent plus de 90 % des attitudes actuellement adoptées  avec une perte limitée d’unités rénales et un taux de complication faible.

Conclusion

Le mécanisme du traumatisme doit être connu. L’état hémodynamique instable conduit à l’exploration radiologique quelle que soit l’importance de l’hématurie.

L’examen tomodensitométrique reste la référence dans l’exploration du haut appareil urinaire. La place de l’échodoppler en urgence doit se préciser.

Une attitude peu agressive est souvent adoptée vis-à-vis des lésions traumatiques du rein et de la vessie